Les
cailloux ou petites pierres gravés par Laurence
Egloff, ne tracent pas un chemin ni ne dessinent un
horizon, ils s’inscrivent dans le temps. L’amas,
le petit tas, en s’observant de près, peut
évoquer l’amoncellement de quelques pensées,
de quelques rêves, de certains regrets, d’incertains
souvenirs. Une grappe où chaque élément,
tout comme les fragments-poèmes de Sinisgalli,
se dessine accompagné de sa part d’ombre.
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Apostille
Nous avons l’habitude de considérer
la poésie comme un fruit ou une fleur rare, un os ou
un cristal, un œuf ou une perle, sans tenir vraiment compte
de la chaîne de choc, du raptus, des miracles, des accidents
qui sont les antécédents naturels de l’inspiration.
J’ai recueilli dans cette plaquette quelques épisodes
lointains et tout proches pour suggérer la figure d’un
Poète qui n’a jamais nourri l’illusion d’appartenir
à l’espèce des fils du Soleil. Pour la première
fois je me suis rendu compte exactement de mon état,
j’ai pris conscience de ma dette. J’ai cru ainsi
restituer quelque chose à ma vie. Parce que ce n’est
qu’aujourd’hui, enfin adulte, que je suis parvenu
à reconnaître et ordonner les circonstances qui
m’ont conduit à écrire des vers. Je sais
bien que les indices ont peu de poids et que les preuves ne
sont pas déterminantes. Ici, dans ce domaine précis,
nous avançons à l’aveuglette. L.S |
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Leonardo Sinisgalli (1908-1981) est l'un des principaux
poètes de la «deuxième génération»
de l'hermétisme italien. Il est l'auteur d'une trentaine
de livres, dont une quinzaine d'ouvrages de poésie. Sa
particularité, dans le paysage littéraire italien
de son époque, est triple: |
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Tu
te caches
dans la bouteille d’encre, j’ai peur de te
transpercer avec la pointe de la plume. |
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d'abord, c'est un poète
du Sud «non sicilien»,
si l'on peut dire, et la source de son œuvre se trouve dans
les paysages de son enfance en Basilicate, l'ancienne «Lucanie»
qui fut la patrie d'Horace : une partie de ses efforts ont été
consacrés à cette identité d' «Italien
du Sud» (dont il prit conscience en allant travailler au
Nord) en référence à la Grande Grèce,
et à l'ancrer dans la culture européenne par double
référence à l'héritage grec (il traduisit
des poètes de l'Anthologie palatine) et latin (la référence
à Virgile, essentiellement, qu'il partage avec le jeune
Luzi). |
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ensuite, par sa formation, c'est un
scientifique, un ingénieur
: une partie de ses textes en prose est consacrée à
réfléchir sur les liens entre la poésie et
la science en des termes dont l'originalité n'a pas encore
été suffisamment reconnue (Horror Vacui, Furor
mathematicus, Quaderno di geometria). Il fut notamment l'éditeur
de l'importance revue Civiltà delle macchine,
qui contribua à décrire l'apport de la technique
comme source d'inspiration pour la poésie, dans une étroite
proximité avec Léonard de Vinci ; c'est probablement
dans ce goût pour les convergences entre poésie et
démarche scientifique qu'il faut chercher l'une des raisons
de son intérêt pour Valéry. |
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enfin, Sinisgalli fut l'un des grands critiques
d'art de son temps, et,
au cours de sa carrière professionnelle dans de grandes
entreprises italiennes, il contribua de façon notable à
faire connaître les «stylistes» (Bruno Munari
notamment) qui, en Italie, ont renouvelé la publicité,
le design, l'architecture d'intérieur, la typographie et
les maquettes éditoriales dans les années 50 et
60 ; cette histoire reste largement à écrire, quoique
plusieurs expositions aient déjà été
consacrées à faire connaître l'action de Sinisgalli
dans ces domaines. Parallèlement, il fut collectionneur
et ami des peintres de son temps. |
Ouvrages de Leonardo Sinisgalli disponibles
chez d'autres éditeurs :
Oubliettes
- Dimenticatoio -, traduit par Thierry Gillyboeuf, Atelier la Feugraie,
Saint-Pierre-la-Vieille, 2003.
Le devin : dix petits dialogues, - L'indovino : dieci dialoghetti
-, traduit par Jean-Yves Masson, Aralia, Paris, 1996.
Horror vacui, traduit par Jean-Yves Masson, Arfuyen, Paris,
1995.
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