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Dans nos traditions occidentales, les anges marquent la présence
du divin dans l’ici-bas, créent l’irruption
de l’invisible dans le visible. Les théologiens
nous instruisent sur leur nature d’ êtres spirituels,
intermédiaires entre Dieu et les Hommes ou messagers
de la volonté divine et les peintres imaginent d’infinies
variations sur le thème de l’ être ailé.
Or, Paul Klee et Tanikawa Shuntarô ne suivent pas les
hiérarchies angéliques exposées par Saint
Thomas ou les dichotomies manichéennes du bien et du
mal si fréquentes dès qu’on parle des anges.
Ceux du peintre et du poète sont beaucoup plus modestes,
ils percent le spectre des émotions humaines : Ange
au grelot, Ange oublieux, Ange immature, Ange laid, Ange déluré,
Ange ou plutôt oiseaux, Ange au jardin d’enfants,
Il pleure, Crise d’un ange, Un vieux musicien fait l’ange,
Dernier pas en ce monde ...
Paul Klee saisit ses anges au vol, d’un unique trait
de crayon, dans la fulgurance de leur présence. Ceux
de Tanikawa Shuntarô inventent une situation, un événement,
un dialogue : ils créent une brèche qui rend
possible une rencontre, une parole, un questionnement.
La figure de l’ange nous révèle ce que Goethe
dit de la poésie, «contempler l’universel
dans le particulier», et ce que Klee dit de la peinture,
«non rendre le visible, mais rendre visible».
Ut pictura poesis erit. Peinture et poésie rendent
visibles des forces qui ne le sont pas.
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